ENSEMBLE Nr. / N° 18 - Mai 2017

21 ENSEMBLE 2017/18 —– Fokus Farid, pourquoi appelles-tu Julia «ma maman»? Farid: Julia nous aide énormément. Elle répond à toutes nos questions sur la vie en Suisse. Roya: Oui, et quand nos enfants sont malades, nous pouvons l’appeler et lui demander de prendre rendez-vous chez le médecin. Farid: Julia est une maman sévère (il rit). Mais c’est pareil en Afghanistan! Et nous sommes telle- ment contents qu’elle nous dise les choses claire- ment. Julia (elle rit aussi): Je ne suis pas sévère, je suis plutôt conséquente. Par exemple: vous vous plai- gnez souvent d’être malades, mais vous ne portez même pas de chaussettes en plein hiver! Là, je n’ai pas trop de pitié pour vous. Et je vous dis clairement pourquoi vous tombez malades. Je ne suis pas là pour enlever tous les obstacles de votre chemin. Et alors, est-ce que vous portez des chaussettes maintenant? Farid (rit): Ici, chez Julia, oui. Julia et la jeune famille afghane se sont ren- contrées il y a un an environ. En cherchant un logement pour des réfugiés, le groupe de travail «Asile» de la paroisse réformée de Schwarzenburg est tombé sur l’hôtel Hirschen à Riffenmatt, qui était alors inoccupé. Julia apprit dans le journal que trois familles afghanes allaient s’y installer et elle s’est proposée comme bénévole. Ce premier contact s’est transformé en amitié, puis l’amitié est devenue famille. Julia: Je me suis vite rendu compte que la fa- mille D. ne voulait pas seulement apprendre l’al- lemand. Elle posait beaucoup de questions sur la vie quotidienne en Suisse. Notre région est assez campagnarde et le contrôle social y est d’autant plus fort – avec tout ce que cela apporte de bon et de moins bon. On s’attend à ce que vous vous adaptiez. J’essaie donc de montrer à Roya et Farid ce que l’on attend d’eux. Comment vivez-vous ce contrôle social? Farid: Je ne le ressens pas comme un poids. C’est normal de devoir s’adapter, peu importe où l’on vit. Mais est-ce que vous cultivez encore votre propre culture? Roya: Bien sûr. Nous célébrons les fêtes reli- gieuses et nous gardons contact avec des amis afghans. Julia: Je constate que la famille D. adopte de plus en plus nos valeurs. Pour moi, l’intégration est aussi une chose délicate. Nous les Suisses, nous disons souvent: «Intégrez-vous d’abord, puis nous aurons des contacts avec vous.» Mais l’intégration est un processus long et délicat. Même si la fa- mille D. s’éloigne de sa culture, cela ne veut pas dire qu’elle est considérée comme parfaitement «intégrée». Dans cette situation, on est toujours entre deux chaises, on n’appartient réellement à aucun des deux groupes. Sans un intermédiaire pour faire le lien, les réfugiés se retrouvent seuls sur le chemin de l’intégration. J’essaie d’accompa- gner cette famille sur cette route. Roya, tu portes le foulard. Est-ce un de ces choix fait en conscience? Roya: Oui. Julia m’a expliqué que les gens en Suisse associent souvent le port du foulard avec de l’oppression. Mais pour moi, cela correspond à mes convictions religieuses, donc je continue à le porter. Par contre, la discussion avec Julia n’a pas été sans effet: chaque semaine, je me rendais dans un groupe de jeux avec les enfants. Au début, le contact avec les autres mamans n’était pas évident. Lorsque j’ai enlevé mon foulard, c’est devenu beau- coup plus facile. Julia, qu’as-tu appris de Roya et Farid? Julia: Beaucoup. J’ai appris à mieux apprécier ma propre vie ici. Je suis aussi devenue plus souple, j’accorde moins d’importance aux petits soucis de tous les jours. Nous discutons beaucoup. La famille D. m’a amenée à réfléchir à nos valeurs suisses. Dimanche des réfugiés 2017 La journée nationale du Dimanche des réfugiés aura lieu le 18 juin. A cette occasion, l’Entraide protestante suisse (EPER) appelle à aller avec un esprit d’ouverture à la rencontre de ces per- sonnes qui ont fui leur pays et à les aider à prendre un nouveau départ en Suisse. Pour en savoir plus: www.annoncer-la-couleur.ch ©Angelo Lucas/Imagopress L’Afghanistan, un pays marqué par les conflits et la pauvreté. Afghanistan: ein Land gezeich- net von Konflikten und Armut.

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