ENSEMBLE Nr. / N° 18 - Mai 2017
8 Dossier —– ENSEMBLE 2017/18 lorsque raison, curiosité et simplicité sont au rendez-vous. Comment se réformer à grande vitesse Les représentantes et représentants de l’hin- douisme, de l’islam et du judaïsme réunis à Berne ont donc parlé des expériences de réforme ou d’essai de réforme au sein de leurs communautés. Les sujets de controverse sont apparentés à ceux qui agitent les Eglises chrétiennes. Pour l’observa- teur extérieur toutefois, les spécificités relevaient plutôt d’une lecture entre les lignes ou de l’air ambiant. Le prêtre hindou Sasikumar Tharmalin- gam, accompagné de sa consœur Vasanthamala Jeyakumar, a présenté la réforme à grande vitesse qu’il a menée dans son association du temple Saivanerikoodam. Il est resté très factuel: «Nous ecclésial, ne peut pas se contenter d’avoir instillé l’esprit critique dans le religieux. Une conviction visiblement partagée par les organisateurs de la journée de réflexion du 26 février, consa- crée à la notion de réforme en tant que phénomène religieux universel, et intitulée «Rupture ou refondation? Les réformes dans les grandes religions.» La manifestation avait pour ambition de poser des jalons, avec en point d’orgue la grande question: «Jusqu’où une communauté religieuse résiste-t-elle au pluralisme?» D’ailleurs, l’universa- lité étonnante du sujet a elle-même d’emblée été interrogée: «Le sujet n’est-il pas déjà représentatif de l’arrogance réformée? Sous-entendu, la réforme serait une sorte de passage obligé.» Quoi qu’il en soit, la rencontre a été enrichis- sante pour toutes les parties, comme toujours LA NOTION DE RÉFORME VUE PAR LES GRANDES RELIGIONS Qu’est-ce qui fait d’une religion un terrain propice à la culture de la réforme? Quelles sont les caractéristiques fondamentales et universelles de la réforme religieuse? • Transformer le désespoir en action: «Celui qui ne désespère pas de l’islam, c’est qu’il ne l’aime pas», a affirmé Navid Kermani, signifiant par là que dans le domaine religieux, il faut connaître de l’intérieur pour se lancer dans la bataille de la réforme. C’est l’amour de l’islam sous sa forme actuelle qui nourrit l’espoir confiant d’un renouvellement. • Se profiler: les religions ont besoin d’un an- crage solide pour pouvoir évoluer. Rabeya Müller a ainsi estimé qu’il fallait «prendre soin de la tradition» de l’islam, notamment en ne remettant pas en question la révélation directe du Coran par Dieu. • Prôner l’ouverture: Reinhard Schulze, islamo- logue, a revendiqué une véritable théologie de la pluralité, qui favorise la reconnaissance des aspects positifs de la diversité. • Faire preuve d’ouverture: au-delà du discours académique, l’ouverture consiste à intégrer les différences en restant soi-même, dans la légè- reté et l’humour. • Pas de souplesse structurelle sans noyau dur: une structure religieuse centralisée, comme dans le catholicisme, a tendance à freiner les ré- formes. A contrario, une structure trop molle favorise la mise en tension des pôles doctri- naire et libéral. Entre deux, les structures aptes aux réformes sont généralement celles qui ont un noyau dur autour duquel peuvent graviter librement les électrons libres et la diaspora. • Trouver la juste distance à l’Etat: lorsqu’une communauté religieuse est prête à se réfor- mer, elle est proactive dans sa relation avec l’Etat. Ce dernier, compétent en matière de préservation de la cohésion sociale et de la sécurité, constitue pour elle le meilleur des balanciers. L’Etat peut estampiller les religions qui jouent un rôle intégrateur du point de vue social d’un «label qualité» (Schulze). Les reli- gions minoritaires en Suisse, comme l’islam ou l’hindouisme, cherchent à obtenir la recon- naissance de l’Etat, alors que l’Eglise réformée dont la proximité à l’Etat est ancrée dans la tradition s’attelle à assouplir les liens, ce qui la force à renoncer à des sécurités entretenant une forme de flou et à retravailler son propre profilage. • Faire preuve de courage: les communautés reli- gieuses très autocentrées risquent de ressasser leurs craintes face aux réformes. Il faut le cou- rage d’agir, au-delà des possibles oppositions. Cultiver la force d’action valorise et suscite l’avancement des réformes. ©Stefan Maurer Débat entre rabbins sur les réformes dans le judaïsme à la Maison des religions (Berne). Drei Rabbiner im Gespräch über Reformen, Haus der Religionen, Bern.
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