ENSEMBLE Nr. / N° 24 - Dezember / Décembre 2017
20 Fokus —– ENSEMBLE 2017/24 La pasteure Brigitte Kahl qui enseigne à New York a participé au séminaire d’au- tomne du secteur OeTN – Migration sur le Jubilé de la Réforme. Elle nous livre quelques réflexions sur l’Eglise, Trump et les réformes à mener aux Etats-Unis. Par Nathalie Ogi Pouvez-vous nous parler de votre parcours? J’ai grandi en Allemagne de l’Est, où j’ai étudié la théologie et la littérature anglaise. J’ai ensuite poursuivi ma formation à l’Université Humboldt à Berlin où j’ai obtenu mon doctorat. Après la chute du mur de Berlin en 1989, j’ai été victime de la dissolution des universités de l’Est et j’ai perdu ma chaire pour l’interprétation œcuménique de la Bible. J’ai terminé mon vicariat et j’ai été ordon- née dans l’église de Berlin-Brandebourg. J’ai rejoint en 1998 l’Union Theological Seminary à New York. Le séminaire où Dietrich Bonhoeffer, Paul Tillich, Dorothee Sölle et James Cone ont enseigné, est le centre de formation théologique le plus ouvert et le plus épanoui que je connaisse. Les exigences scientifiques et l’engagement social critique n’y sont pas perçus comme contradictoires. J’ai retrou- vé aux Etats-Unis un peu de ma patrie perdue, s’agissant d’une interprétation de la Bible, fémi- niste, critique envers le pouvoir, postcoloniale et non antisémite. Cet automne lors de la conférence œcuménique, vous avez analysé la situation politique aux Etats- Unis par rapport aux écrits de Paul. Quelles trans- formations suggère ce texte? Durant des siècles, les exégètes ont décrit Paul comme un protagoniste du conservatisme social, de l’antijudaïsme et de la misogynie. Sa doctrine de la justification par «la foi seule» et «sans œuvres» a trop souvent permis de justifier l’inac- «NOUS DEVONS RETROUVER LA BIBLE» JUBILÉ DE LA RÉFORME «WIR MÜSSEN DIE BIBEL ZURÜCKGEWINNEN» REFORMATIONSJUBILÄUM tion de l’Eglise face à l’injustice sociale et l’exclu- sion. Souvent aussi, on a instrumentalisé Paul pour réduire au silence un Jésus vu comme un «théolo- gien de la libération». A la lumière des dévelop- pements récents de la recherche sur les écrits de Paul, cette image n’est plus tenable. Paul n’est pas autrement que Jésus, un théologien de la trans- formation et de la Réformation. Il croit que le monde est sur le point de se renouveler et que cet autre «monde» doit être maintenu par toutes les fibres de la foi. Le test pour cela est notre relation aux «autres». Pour Paul, les autres ce sont les «païens» non juifs et non circoncis ou même les «barbares» non grecs. La foi comme forme d’exis- tence «avec les autres» est contraire à une notion de foi limitée à la simple préservation des croyances. Ainsi, «la justification par ‹la foi seule›» reçoit également un point d’ancrage, qui, dans la situation politique actuelle des Etats-Unis, est en contradiction avec le nouveau pouvoir. Que signifie la Réforme dans votre pays, eu égard par exemple à la globalisation ou à votre nouveau président? Trump n’est que la pointe de l’iceberg. En tant que «super héros» milliardaire, il a pu se vendre auprès de la classe moyenne blanche, déçue par l’establishment Clinton, mais également se pré- senter en tant que sauveur capitaliste des travail- leurs licenciés. Mais comme l’ont montré les évé- nements à Charlottesville ou la révocation du DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals), il crée un espace pour les tensions les plus destruc- trices et les plus effrayantes de la culture améri- caine: du patriarcat hostile aux femmes, du ra- cisme blanc et du nationalisme agressif, en passant par l’islamophobie, l’homophobie et la xénopho- bie, au Ku Klux Klan et au fascisme. Il n’est pas, et il est en même temps l’Amérique. L’idéologie de la conquête de terres inhabitées et le génocide des peuples autochtones empoisonnent le pays à ses
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