ENSEMBLE Nr. / N° 28 - Mai 2018

15 ENSEMBLE 2018/28 —– Dossier relevant sein, in der alle, auch die Natur, Platz haben, sonst ist sie Augenwischerei. Wie können wir theologische Wahrheit von theo- logischer Manipulation unterscheiden? Das Paradox religiöser Existenz ist es, dass wir immer schon von einer «Wahrheit» ausgehen, auf deren Suche wir gleichzeitig noch sind. Theologi­ sche Wahrheit «bewahrheitet» sich in unserem Handeln, in unserem In-der -Welt-Sein,, in unserer Hoffnung oder Hoffnungslosigkeit, im Vertrauen darauf, dass das Walten Gottes trägt und erleuch­ tet, aber nicht verblendet. Theologische oder re­ ligiöse Manipulation muss sich immer die Macht­ frage stellen: Wessen Interesse dient eine bestimmte Aussage? Welche Verhältnisse sollen dadurch zementiert oder legitimiert werden? Was kann die Kirche heute zur theologischen Wahrheitsfindung beitragen? Es gilt vor allem, die «Wahrheit» im Sinne der «Wahrhaftigkeit» zu leben und sich damit als An­ wältin einer praktischen Wahrheit in der Welt zu «bewahrheiten». Dafür ist ein engagierter Dialog in interkultureller und interreligiöser Perspektive unabdingbar, wenn wir davon ausgehen, dass die Kirchen zur Wahrheitsfindung im globalen Kon­ text beitragen können, aber dafür nicht das Mono­ pol besitzen. F Josef Estermann est responsable Bases & Recherche chez COMUNDO, organisation suisse de coopération au développement. Il ré- pond à nos questions sur la notion de vérité en théologie. Interview de Heinz Bichsel Le concept de vérité est-il pertinent dans le contexte interreligieux et interculturel? Même si la postmodernité s’est largement dis­ tancié du concept de vérité, laissant le champ libre au perspectivisme relativiste, ce n’est pas le cas dans le contexte interculturel et interreligieux. La théologie du pluralisme religieux et la philosophie critique interculturelle tiennent au caractère uni­ versalisable des convictions, des représentations, des projets et des normes humains. Mais pas au sens de quelque chose qui serait déjà en notre possession: au sens de quelque chose que nous devons commencer par élaborer ensemble dans et à travers le dialogue. Comment comprenez-vous la vérité théologique dans un contexte multireligieux? La théologie doit réfléchir à la diversité des in­ terprétations religieuses et non religieuses du monde et de l’existence, l’admettre sans abandon­ ner son propre point de vue, compris comme une «déclaration de foi». De toute façon, à partir de la théologie de la libération, ce n’est pas tant la vérité théorique, c’est-à-dire la doctrine ou le «dogme», qui joue le rôle déterminant; c’est bien plutôt la vérité pratique ou éthique, au sens de l’action juste. Le concept biblique de vérité est de l’ordre du re­ lationnel, c’est une valeur fondée sur les liens. Avec la recherche universitaire ou la présence médiatique, la vérité semble être un bien qui se paye cher. Selon vous, comment la vérité théo­ logique se fabrique-t-elle? Alors que nous sommes inondés de fake news et que la mode est aux idées alternatives, il faut consentir un certain courage pour «diviser les es­ prits». A vrai dire, je ne suis même plus sûr que cela soit davantage le cas dans le milieu acadé­ mique ou dans les médias de masse. Pour moi, cette posture est une posture prophétique, c’est- à-dire une vision autocritique qui ne peut tenir debout que sur la base d’une vision, d’une utopie englobante. Dans le contexte chrétien, je parlerais de «compatibilité au Royaume de Dieu»: la vérité théologique doit faire sens pour un monde dans lequel toute chose, y compris la nature, a sa place; sinon, c’est de la poudre aux yeux. Comment faire pour distinguer la vérité théolo­ gique de la manipulation théologique? Le paradoxe de l’existence religieuse, c’est que nous partons effectivement toujours d’une «vérité» tout en étant en même temps à sa recherche. La vérité théologique «devient vraie» dans notre ac­ tion, dans notre être-au-monde, dans notre espé­ rance ou notre désespérance, dans la confiance que la puissance de Dieu nous porte et nous éclaire, mais ne nous rend pas aveugles. La mani­ pulation théologique ou religieuse doit toujours à nouveau se poser la question du pouvoir: Quels intérêts une affirmation sert-elle? Quels rapports entend-elle cimenter ou légitimer? A l’heure actuelle, comment l’Eglise peut-être contribuer à la quête de la vérité? Il s’agit avant tout de vivre la «vérité» au sens de la «véracité», c’est-à-dire de devenir les défen­ seurs et les défenseuses d’une vérité pratique dans le monde, d’en «faire la preuve». Dans ce sens, il est indispensable de s’engager en faveur du dia­ logue interculturel et interreligieux, si nous par­ tons de l’idée que les Eglises peuvent contribuer à la recherche de la vérité dans un contexte glo­ balisé, sans pour autant avoir le monopole sur cette quête.

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