ENSEMBLE Nr. / N° 28 - Mai 2018

21 ENSEMBLE 2018/28 —– Fokus s’agit pour nous d’un cas emblématique. Lui et ses frères et sœurs ont été enlevés par l’Etat alors que sa mère était absente parce qu’elle travaillait loin de la maison. Lorsqu’elle a réclamé ses enfants, on lui a dit qu’elle les mettait en danger. Le père, lui, travaillait au Mexique. Lorsque la grand-mère a demandé la garde, le juge et la Cour ont refusé sous prétexte qu’elle était lesbienne et ont donné les enfants en adoption aux Etats-Unis. Lorsque l’un d’eux a atteint l’âge de 18 ans, il est revenu auprès de ses parents et a déposé plainte auprès de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Le verdict est tombé et l’Etat a reconnu les faits, mais il refuse de verser des dommages et intérêts. Comment l’Etat du Guatemala gère la protection des enfants? Le Guatemala n’a pas vraiment de système de protection de la jeunesse. Les organismes qui s’occupent d’enfants sont des structures très an­ ciennes, datant des années 60, et ils n’ont pas de budget spécifique pour accomplir leur mission. Les institutions ne permettent pas de répondre aux droits des enfants. Il n’existe aucune coordi­ nation. Un projet de loi est à l’étude au Parlement afin de transformer la situation. Mais c’est difficile, parce que le directeur de l’institution principale qui s’occupe des droits de l’enfant dépend du président du Guatemala. Et tous les services sont amis avec le président. Combien d’enfants se trouvent dans des orpheli- nats au Guatemala? Environ 4500 enfants sont actuellement dans des orphelinats ou des foyers. Il n’y a pas de pro­ gramme d’aide familiale. Et les enfants des rues risquent d’être emprisonnés. Le gouvernement a promulgué une loi qui les considère comme des terroristes parce qu’ils vivent en bande afin d’as­ surer leur sécurité. La situation est catastrophique du point de vue des droits de l’enfance; il n’y a pas d’école, pas de système de santé. Environ 2000 enfants quittent chaque année le pays sans ac­ compagnement pour rejoindre les Etats-Unis. Pour quelle raison êtes-vous venus en Suisse? Nous sommes venus à Genève pour recevoir la position du Comité des droits de l’homme et nous voulons entendre aussi les réponses du gouverne­ ment guatémaltèque. Nous tenons par ailleurs une réunion avec des organismes de lutte contre la torture en relation avec la mort de 41 jeunes filles en mars de l’an dernier dans un centre pour les filles victimes de violences. Ces jeunes filles, âgées de 13 à 17 ans, s’étaient enfuies du centre, mais la police les a retrouvées, battues et ramenées de force dans le foyer. Là, 56 adolescentes ont été en­ fermées de force dans une petite pièce sur ordre du président de la République. Le feu a pris dans cette pièce, pour une raison encore indéterminée. Malgré leurs cris, la police a refusé de leur ouvrir et 41 filles ont perdu la vie. Nous avons reçu 11 survivantes. Elles souffrent de graves lésions. Cer­ taines ne peuvent plus bouger en raison de leurs blessures. Nous tentons de travailler avec leurs familles afin d’améliorer leur situation. Le droit à la terre du peuple chorti Omar Jeronimo est coordinateur de l’association «Ch’orti’ Nuevo Dia». L’association défend les droits humains du peuple maya ch’orti’ qui vit dans les terres de l’est du Guatemala, principalement dans le département de Chiquimula. Elle se bat également pour les droits so­ ciaux, économiques et culturels de ce peuple indigène. Son combat comprend aussi la défense des droits histo­ riques et ancestraux des indiens qui veulent récupérer leurs terres illégalement confisquées par l’Etat. Au total, 22 communautés ch’orti’s qui avaient racheté leurs terres à l’Etat, réclament maintenant à la Cour de justice l’argent qu’elles ont versé pour ces territoires qui leur appartiennent depuis toujours. Les communautés ch’or­ ti’s doivent faire face aux entreprises minières et hydroélectriques très puissantes qui tiennent de nom­ breuses centrales dans les montagnes au nord et dans la partie orientale du pays et qui risquent de perdre leur licence, explique Omar Jeronimo. Ces entreprises ont de nombreuses relations avec le gouvernement guatémal­ tèque, dont elles corrompent les institutions. Elles ont également fait alliance avec le crime organisé afin qu’il attaque les communautés indigènes et dans le but que celles-ci cèdent face aux entreprises. Les ch’orti’s reçoivent des menaces de mort et leurs leaders sont assassinés. Cette histoire est celle des ch’orti’s, mais aus­ si celle de tous les peuples indigènes au Guatemala, précise Omar Jeronimo. L’association mène un travail de lobbying auprès du système interaméricain de pro­ tection des droits de l’homme, spécifiquement pour la défense des droits des peuples indigènes. Cette cause est peu comprise en Europe et aux Etats-Unis, principa­ lement sur le droit à être consulté. Et même si des conventions et des législations existent, elles ne sont le plus souvent pas respectées. Par ailleurs, l’association défend aussi les droits des enfants et des femmes ch’or­ ti’s. Là encore, le gouvernement ne protège pas les vic­ times et ne respecte pas les décisions de justice ou ne les applique pas. Cela a notamment été le cas pour une demande d’aide du droit à l’alimentation des enfants ch’orti’s.

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