ENSEMBLE Nr. / N° 33 - November / Novembre 2018

21 ENSEMBLE 2018/33 —– Fokus Interview par Evelyne Felder Mme Pache, quels sont les parcours des femmes auxquelles vous rendez visite? La plupart de ces femmes sont originaires d’Afrique et d’Europe de l’Est. Beaucoup d’entre elles sont venues ici dans l’espoir d’une vie meil­ leure. Certaines sont des réfugiées déboutées. La plupart d’entre elles ont connu un voyage éprou­ vant. Certaines sont en Suisse depuis un certain temps et ont vécu des choses terribles ici. Il y a des femmes qui travaillaient en noir, gagnaient peu d’argent et devaient se cacher ou ont dû se prostituer. Ces femmes savent combien de temps elles vont rester en prison? Dans les cas d’expulsion vers le pays d’origine, les personnes arrêtées sont présentées à un juge dans un délai de 96 heures. Là, on leur dit géné­ ralement qu’elles seront emprisonnées pour une période assez longue. Les autorités le disent pro­ bablement parce qu’elles ne connaissent pas la durée exacte de la détention et ne veulent pas leur donner trop d’espoir. Ça rend les femmes plutôt désespérées. Mais la plupart du temps, elles sont déjà reparties après une ou deux semaines. En règle générale, on ne voit les femmes qu’une seule fois. Les femmes savent-elles où elles peuvent aller après avoir été expulsées? Je suppose que oui, mais c’est difficile à dire avec certitude. Parfois, certaines femmes disent qu’elles n’ont plus personne dans leur pays d’ori­ gine, ce que je n’arrive généralement pas à croire. Ces femmes viennent souvent de pays où les fa­ milles sont très grandes. Mais la plupart du temps, elles s’opposent à leur renvoi et s’arrangent pour présenter leur situation de la manière la plus dramatique possible. Quel est votre rôle en tant que visiteuse? En général, les femmes attendent plus de nous que nous ne pouvons leur donner. On ne peut rien faire pour qu’elles restent. Une fois qu’elles sont en détention, c’est en vue de leur départ. Nous ne devons en aucun cas leur donner de faux espoirs. Tout ce que nous pouvons leur offrir c’est, une heure par semaine, un peu d’attention humaine, de conversation, un peu de distraction et le contact avec l’avocat du SEMC, si les femmes le désirent. Comment se passe votre conversation? On demande aux femmes comment elles vont. Parfois elles ont des problèmes de santé ou il leur manque quelque chose et nous pouvons leur apporter par exemple de la crème pour la peau ou une carte de téléphone. J’apporte aussi toujours des mouchoirs. Beaucoup de femmes se mettent à pleurer. J’essaie ensuite d’orienter la conversa­ tion vers quelque chose de plus positif, pour qu’elles, par exemple, parlent de leur patrie ou de leurs enfants. Quand la conversation se termine, j’ai déjà eu droit à un petit cours de langue avec les femmes. Elles sont souvent intéressées à ap­ prendre quelques mots ou à parler de leur langue. C’est généralement drôle et cela distrait un peu ces femmes. En parlant de langue: Comment communiquez- vous? J’apporte un dictionnaire illustré et toutes sortes de dictionnaires. Beaucoup de femmes connaissent quelques mots d’allemand. On parle en mélangeant un mot d’anglais et un mot d’alle­ mand. D’habitude, c’est un peu le bazar. Comme j’ai la chance de parler plusieurs langues, je me débrouille généralement bien. Que retirez-vous personnellement de ces ren- contres? Les femmes me transmettent leur sentiment de gratitude. Quant à moi, si j’ai l’impression d’avoir pu donner quelque chose à ces femmes, je suis satisfaite. Sylviane Pache ©Alena Lea Bucher

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