ENSEMBLE Nr. / N° 43 - November / Novembre 2019

14 Dossier —– ENSEMBLE 2019/43 L’Eglise n’est ni de gauche ni droite. Mais elle peut avoir des positions politiques et doit aussi les communiquer. Par Cédric Némitz* L’Eglise réformée n’est rien d’autre qu’une assem­ blée d’individus qui partagent une spiritualité commune. Dans la perspective d’une Eglise de multitude, ces individus se distinguent évidem­ ment par leur diversité de convictions, d’ap­ proches et de pratiques. Notamment sur les ques­ tions politiques. Voilà pourquoi, presque par définition, l’Eglise en tant qu’institution ne peut se positionner ni à gauche, ni à droite de l’échi­ quier politique classique. L’engagement politique, militant ou citoyen, relève d’abord de la respon­ sabilité individuelle. En démocratie, c’est le votant qui décide, aucune instance n’est légitimée à se substituer à lui. N’étant ni à gauche ni à droite, il faut alors immédiatement lever une première équivoque: l’Eglise devrait inexorablement se positionner au centre, au beau milieu d’un consensus forcément mou. Il s’agirait de gommer les aspérités pour L ’ É G L I S E N ’ E S T N I D E G A U C H E N I D R O I T E L’Evangile nous engage en politique éviter de déranger. On confine ici à l’effacement politique de l’Eglise, la réduisant à une sorte de gardienne des bons usages et de la modération des débats. Je n’exclus pas qu’une Eglise assume parfois ce rôle de veille démocratique, appelant par exemple au respect mutuel. Mais en aucun cas, elle ne doit se laisser réduire à ce rôle mini­ maliste. Car l’Evangile l’appelle à davantage de respon­ sabilités. Dans l’histoire, trop longtemps certaines Eglises ont piloté la politique. Dans nos Etats démocratiques, nous avons heureusement quitté ce temps des tutelles. Mais le danger est grand de basculer désormais dans l’excès inverse. Si elle se veut fidèle à sa vocation évangélique, une Eglise ne peut pas se dédouaner de ses questions éthiques et sociales. Elle est donc appelée à jouer aussi un rôle politique. Il se peut même qu’elle doive entrer très concrètement dans le débat, quitte à bouscu­ ler la gauche ou la droite. Certaines radicalités de l’Evangile nous engagent; elles nous obligent à prendre la parole. Débat interne Reste la question du comment. Dans la tradition réformée, la première condition s’inscrit au cœur de la dimension synodale. Nos institutions ecclé­ siales ne peuvent intervenir sur la scène politique sans que le sujet n’ait été l’objet d’une délibération démocratique interne. Nos structures le per­ mettent et l’exigent. Ce débat interne, impliquant un consensus minimum à trouver au cœur de nos diversités, reste incontournable. Mais il ne dé­ bouche pas forcément sur des positions aseptisées. Depuis des années, les thématiques œcumé­ niques «Justice, paix et sauvegarde de la création» en sont l’illustration. Les Eglises plaident pour le développement d’un monde plus équitable et d’une société moins discriminante. Elles pro­ meuvent la résolution non-violente des conflits et la pacification des relations entre humains égaux. Bien avant les manifestations pour le climat, les questions environnementales ont été intégrées à leur agenda politique. Précarité, droits humains, migration... la protection des plus fragiles oblige encore et toujours la communauté des chrétiens. A côté d’autres organisations, les Eglises chré­ tiennes sont appelées à assumer leur fonction de proposition, d’interpellation, et pourquoi pas aus­ si de pression pour que ce monde corresponde mieux aux attentes du Royaume qui vient. La transformation de la société fait partie de leur vocation. Cela reste leur responsabilité politique. * Conseiller municipal de la ville de Bienne, directeur de la formation, de la culture et du sport, pasteur Cédric Némitz ©zVg

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