ENSEMBLE Nr. / N° 45 - Januar / Janvier 2020

8 Dossier —– ENSEMBLE 2020/45 Evidemment, les Eglises nationales, les paroisses et les collaboratrices et collaborateurs de notre institution continuent d’être soumis à la législa­ tion de l’Etat; pour autant, l’engagement des ec­ clésiastiques, qui constitue la principale «affaire extérieure» les concernant, revient désormais aux Eglises. Autrement dit, l’émission des contrats et le versement des salaires leur incombent et elles reprennent ainsi la main sur tout un pan de leur organisation. C’est un gain d’autonomie certain, qui justifie en tout point d’affirmer que ce nouvel ordre dans les relations Eglise-Etat constitue un événement historique. La structure change, l’Eglise reste La nouvelle loi sur les Eglises nationales marque la fin d’une ère et d’une spécificité bernoise. Dé­ sormais, le mode de fonctionnement des Eglises nationales bernoises sera aligné sur celui des autres Eglises cantonales et surtout, sur celui des autres Eglises dans le monde. Toutefois, veillons à ne pas surestimer la nou­ veauté: c’est la structure qui change, ce n’est pas l’Eglise. Et ce changement est davantage une évo­ lution qu’un tournant à 360 degrés. L’Eglise d’avant 2020 n’était pas une Eglise d’Etat et l’Eglise d’après 2020 ne sera pas une Eglise libre. N’ou­ blions pas non plus qu’en matière de conditions d’employabilité des pasteures et des pasteurs, l’Eglise nationale était déjà en position de statuer, s’étant donnée à elle-même ses propres fonde­ ments ancrés dans sa Constitution et son Règle­ ment ecclésiastiques; qu’elle consacrait déjà ses ministres au service de la parole de Dieu; et qu’elle assurait déjà la direction spirituelle du corps pas­ toral et de l’institution dans son ensemble. Enfin, rappelons-nous un point essentiel: être Eglise, au sens fort, n’est jamais une question de gestion des relations à l’Etat. L’Eglise, depuis qu’elle existe, a joué son rôle quels que soient les circonstances et le panorama social. Etre Eglise, au sens fort, c’est accomplir sa mission. C’est, comme l’affirme la première idée directrice de la Vision  21, se fonder sur la Bible et être en quête d’humanité. Une Eglise qui se fie au témoignage des Ecritures et se laisse mettre en mouvement par cette Parole pour aller à la rencontre des humains est véritablement une Eglise. Présence constructive et critique L’Eglise nationale réformée a toujours été claire: la redéfinition des relations entre elle et l’Etat ne modifierait rien à son engagement à l’égard de la société. Il est hors de question qu’elle sombre dans une quelconque forme de repli identitaire. L’Eglise se considère porteuse d’une bonne nouvelle qu’elle a pour mission de répandre en paroles et en actes. Son ambition n’est pas de se préserver elle-même. L’Eglise nationale réformée a la ferme volonté de rester une partenaire fiable de l’Etat. Sa Vision lui enjoint également d’être solidaire avec la part souffrante de l’humanité. Ce faisant, l’Eglise sait qu’elle œuvre main dans la main avec l’Etat. Cela n’exclut pas qu’elle défende les plus faibles et soit ainsi amenée à développer une position critique à l’égard de l’Etat. L’esprit critique est constitutif d’un partenariat responsable et le canton de Berne cultive cet état d’esprit depuis bien longtemps. En 1852, lors du premier Synode qui suivit l’adoption de la loi sur les Eglises, Eduard Blösch, alors pré­ sident du Conseil d’Etat chargé des cultes, confir­ ma l’intention du gouvernement bernois de ga­ rantir la liberté de prédication du Christ, y compris si cela lui attirait des critiques. Véritables transformations Il y a fort à parier que notre Eglise sera bien plus affectée par les mutations sociales à venir que par les changements structurels liés à la nouvelle loi sur les Eglises nationales. Notre société plurielle va le devenir encore davantage; les personnes sans appartenance religieuse seront de plus en plus nombreuses à côtoyer celles et ceux qui se reven­ diquent d’une religion, quelle qu’elle soit. Par ail­ leurs, la perte de signification de l’appartenance à une communauté religieuse institutionnelle est claire, même chez les personnes «religieuses». Tous ces éléments auront des répercussions sur les Eglises, particulièrement sur leurs finances. Sans compter l’influence d’Internet, qui transforme ra­ dicalement les modes de communication interper­ sonnelle, ce qui ne peut être sans conséquences sur une Eglise qui considère la communauté comme le pivot de son action. Quant aux valeurs telles que la démocratie ou les droits humains, que nous es­ timions durablement garanties, elles sont de plus en plus remises en question. Enfin, la crise clima­ tique pourrait constituer ces prochaines années un péril majeur pour l’équilibre des nations. Aucun de ces constats ne peut laisser l’Eglise indifférente. Une Eglise qui se donne une telle Vision a de justes motifs d’être confiante. Eine Kirche, die sich eine derartige Vision gibt, hat Grund, zuversicht- lich zu sein. ©Mauro Mellone

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