ENSEMBLE Nr. / N° 48 - Mai / Mai 2020

15 ENSEMBLE 2020/48 —– Dossier permettre cet effort. Et la population doit pouvoir s’offrir une voiture électrique à la place d’une die­ sel qui fonctionne. La meilleure recette pour effectuer la transition nécessaire vers un usage durable des ressources naturelles, c’est donc une économie qui fonctionne. Quelles mesures concrètes préconisez-vous? Marti: Nous devons avant toute chose recadrer la place financière suisse: interdire les investisse­ ments dans les matières premières fossiles, instau­ rer des taxes incitatives sur les revenus du capital, une banque d’investissement verte et étatique qui alloue des crédits pour des projets de réduction des émissions de C0 2 . En deux mots: nous devons reconquérir la fonction d’investissement de la so­ ciété, afin que nous décidions, en tant que société, dans quel but le capital doit être utilisé, et pas seulement un petit groupe de nantis. Hügli: Naturellement, le politique doit accom­ pagner ce processus, en mettant tout en œuvre afin de faire avancer la recherche et de permettre aux entreprises d’investir dans leur développe­ ment. Il peut ainsi créer des incitations fiscales, afin de soutenir la transition vers un usage durable des ressources. Et il peut aussi, ici et là, décourager les gros pollueurs responsables de certaines émis­ sions. Mais la plus grande tâche nous revient, à nous la société civile. Chacune et chacun d’entre nous peut veiller sur l’environnement, aborder ce thème dans son cercle d’amis, adopter des idées d’autres gens. Cela aura un effet bien plus durable que des interdictions et des règlements. Parce que nous agissons ainsi de façon responsable et par conviction, et non pas sur prescription. www.wirtschaft-ist-care.org (site en allemand pour l’instant) sus. On voit avec la crise du coronavirus que de nombreux jeunes aident volontiers les aînés pour faire les courses. Leur récompense, c’est la recon­ naissance des personnes âgées. Cette motivation responsable nous aide à rechercher et trouver notre salaire non pas sous forme d’argent, mais d’estime, de reconnaissance et de gratitude. Et ce dans de nombreux domaines de la vie, dans l’accomplissement désintéressé de milliers de petites et parfois de plus grandes choses. Le concept d’économie des soins exige aussi de traiter les ressources naturelles de manière durable. Comment voyez-vous la situation? Marti: La crise du climat révèle l’échec total du capitalisme réel existant. Nous savons depuis cinquante ans que la croissance infinie et l’ère du pétrole amèneront des problèmes. Pourtant, rien n’a changé. Ce n’est pas un hasard. Parmi les dix plus grandes entreprises du monde, on trouve six compagnies d’énergies fossiles, et deux construc­ teurs automobiles. Ce sont eux, qui «sacrifient notre civilisation afin qu’un petit groupe de gens puissent gagner énormément d’argent», comme l’a si bien formulé Greta Thunberg. Aussi longtemps que quelques riches s’assureront une influence poli­ tique et économique, rien ne changera fondamen­ talement. Hügli: Avoir des activités économiques, cela veut bien dire accomplir une des prestations que la société réclame, avec des ressources en général limitées. Lorsqu’une ressource devient rare, une économie qui fonctionne est donc toujours à la recherche d’alternatives. On le voit par exemple avec la mobilité. Les voitures électriques ont le vent en poupe car les carburants fossiles s’épuisent. Mais un immense effort de recherche pour les constructeurs automobiles et les fournisseurs se cache derrière. Les entreprises doivent pouvoir se ©Keystone /EQ Images /Moritz Hager La demande déter- mine l’offre – également dans l’industrie de la défense: le canon d’un char Leopard dans les halls de production de RUAG. Die Nachfrage bestimmt das Ange- bot – auch in der Rüstungsindustrie: Das Geschützrohr eines Leopard- Panzers in den Produktionshallen der RUAG.

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