ENSEMBLE Nr. / N° 54 - Dezember / Décembre 2020

17 ENSEMBLE 2020/54 —– Dossier risation ecclésiale, il faut être très précis et bien définir le but et le canal le plus adapté pour l’atteindre. Comment la numérisation transforme-t-elle l’Eglise institutionnelle? L’Eglise doit être davantage pensée selon une logique de réseau, c’est cela qui change. Dans une société fondée sur une telle logique et de plus en plus individualisée, aussi du point de vue des pra­ tiques religieuses, les gens sont habitués à s’expri­ mer. Il faut les soutenir dans leur manière de vivre leur religiosité. On peut par exemple s’inspirer de ce qui se fait outre-Atlantique, où un blog (Home­ brewed Christianity) permet à tout un chacun de «brasser» sa propre théologie en regardant des vidéos et en écoutant des podcasts. Quels sont les risques? Que l’Eglise institutionnelle fonde. Je ne crois pas qu’elle aura complètement disparu dans 50 ans, mais c’est la tendance. Evidemment, il y a aussi le risque, qui en fait est déjà une réalité, que tout le monde poste en ligne ce qui lui passe par la tête, sans que cela corresponde ni au credo ni aux principes de l’Eglise nationale. Les théologies numériques remettent en question le système traditionnel d’une théologie normative et déduc­ tive. Quelles sont les répercussions sur l’identité des Eglises nationales et de la foi réformée? Les contenus se démultiplient-ils jusqu’à devenir arbitraires? La diversité des contenus n’est pas nouvelle. Les identités religieuses sont multiples. C’est pour­ quoi il est important que l’Eglise épaule celles et ceux qui naviguent en ligne avec une identité réformée afin de maintenir une présence virtuelle clairement repérable. Toutefois, la religiosité et la foi réformées ont toujours été plurielles. Cet aspect identitaire doit être souligné, et il faut continuer à se demander sans cesse ce qu’est l’Eglise. Sur ce point, beaucoup d’institutions ont une belle marge de rattrapage. De nombreux responsables ne sont pas capables de définir l’Eglise. Ils montrent le temple, parlent des activités, de la pasteure. Certes, le temple a pendant longtemps été un marqueur identitaire, mais dans l’espace virtuel il y a aussi des «lieux». De nouvelles ma­ nières d’élaborer les identités sont à l’œuvre et nous devons faire preuve de plus de largesse d’es­ prit quand nous pensons l’Eglise. Les bâtiments d’Eglise seront-ils un jour remplacés par des réseaux en ligne? Il y a encore beaucoup de rencontres bien réelles dans ces bâtiments de pierre. J’espère donc que ni ces lieux ni l’Eglise institutionnelle ne dis­ paraîtront complètement du paysage. En rapetis­ sant, l’Eglise va peut-être gagner en dynamisme et en agilité. La transition numérique ne limitera donc pas le recul du nombre de membres? Non, je ne pense pas. Bien sûr, j’espère que la courbe ne va pas s’effondrer, mais au lieu de ne regarder que les chiffres, il vaudrait mieux se concentrer sur la construction de réseaux et sur l’éducation. Il est important de montrer ce qu’est l’Eglise, quelles sont ses valeurs, comment elle collabore avec les gens. A mon sens, une Eglise plus modeste mais dynamique n’est pas moins pertinente pour la société. William Temple, l’ar­ chevêque de Cantorbéry, le formule ainsi: «L’Eglise est la seule société dont l’existence bénéficie à celles et ceux qui n’en sont pas membres.» Une église construite à partir d’un code binaire: l’Eglise est- elle le bâtiment de l’église – ou aussi les réseaux de l’Eglise dans l’espace virtuel? Eine Kirche, gebaut aus einem Binär- code: Ist Kirche das Kirchengebäude – oder auch kirchliche Netzwerke im virtuellen Raum? © iStock.com /bubaone

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