ENSEMBLE Nr. / N° 55 - Januar / Janvier 2021

17 ENSEMBLE 2021/55 —– Dossier «C’est quand la distraction n’est plus possible que nos manques nous apparaissent», souligne Dorothea Murri. Travail, performance, rôle social, apparence, argent: si ces éléments extérieurs s’ef­ fondrent, au moment d’une crise, à cause de la maladie ou à la fin de la vie, c’est toute l’existence de la personne dans le regard d’autrui qui s’ef­ fondre. C’est là que surgit la question: «Qui suis-je donc encore?» M me Murri encourage les gens à «se regarder en face et à parler de ce qui est fonda­ mental et constitutif pour eux». Cette institutrice, qui est aussi pasteure et spécialiste en psychotrau­ matologie, dirige depuisoctobre 2020 le centre de conseil «Vivre et mourir» à Berne. C’est l’une des initiatives nées du processus Vision Eglise 21 dans lequel sont engagées les Eglises Refbejuso depuis 2017. Le centre fait partie des projets de «commu­ nity care», visant à bâtir une société qui intègre davantage la mort dans la vie. Pour M me Murri, les relations de confiance qui permettent de se dire ouvertement, de se mettre en contact avec ses propres émotions et besoins, sont l’une des plus belles choses de la vie, l’une des clés du bonheur. «Ces relations ouvrent la possibilité d’une vie dé­ tendue et elles facilitent la mort.» Job Caddie: les rencontres en tête à tête renforcent la responsabilité et l’autonomie des jeunes. Job Caddie: Begegnungen auf Augenhöhe stärken die Eigen- verantwortung und Selbstwirk- samkeit von jun- gen Menschen. en sécurité. Je peux être moi-même et m’ouvrir sans avoir peur que ce que je dis soit retourné contre moi», poursuit-il. Quant à l’amitié, il la définit en deux mots: être comme je suis. Les in­ grédients nécessaires? L’at­ tention mutuelle, la curiosi­ té, l’empathie, la sympathie et le temps. «Au cœur d’une relation de qualité, je veux vraiment savoir qui est l’autre, ce qu’il pense.» Quant à ce qui nuit à la relation, «c’est l’industrie de la distraction, qui absorbe l’attention», répond-il caté­ gorique en parlant du smartphone, cette invention «géniale», qui nous attire inéluctablement. On peut ainsi perdre l’autre de vue, ne plus prendre garde à ce que l’on vit ensemble. Ce­ pendant, le sentiment de ne pas avoir de temps est une réalité. M. Schäppi évoque des couples dans la vie ac­ tive et avec enfants, qui manquent de temps en­ semble mais qui sont sou­ vent bien trop épuisés pour en prendre. Dans ses séances d’accompagnement, il trouve plus important de les décharger de cette pression que de les motiver à accomplir des tâches de communication à la maison. Dès la première consultation, ils doivent pouvoir prendre distance et regarder leur fonctionnement quotidien et leurs relations de l’extérieur, «faire taire le bruit», c’est-à-dire s’interrompre, s’extraire un instant de tout ce qui les accapare. Plus quelqu’un est em­ brouillé dans sa situation, moins il parvient à utiliser ses propres ressources créatives. «Quand on est en pleine lutte, nos besoins nous échappent.» Durant la consultation, mais idéale­ ment avec régularité dans la vie de tous les jours, celui ou celle qui s’extrait un instant de l’immé­ diateté, note rapidement ce qui compte pour lui ou pour elle. Cultiver le bonheur Où a eu lieu l’erreur lorsque quelqu’un dit sur son lit de mort: «Ah, si j’avais pu rester en contact avec mes amis!»? Selon l’autrice australienne Bronnie Ware, il s’agit de l’un des «cinq plus grands regrets des personnes en fin de vie», comme elle a intitu­ lé son best-seller paru en 2011. © zVg

RkJQdWJsaXNoZXIy Mjc3MzQ=