ENSEMBLE Nr. / N° 56 - März / Mars 2021

19 ENSEMBLE 2021 /56 —– Doss i er gern im Grenzfall schmerzhafte Nehmerqualitäten. Nur das unbeirrbare Festhalten an den Verfas­ sungsgrundsätzen verhindert, dass die Menschen, die diese staatlichen Selbstbeschränkungen aus­ nutzen, zum Massstab der Gesetzgebung werden. Nicht zufällig ist die rücksichtslose Beseitigung von unerwünschten Gesellschaftsmitgliedern seit jeher das monströse Privileg diktatorischer Re­ gimes. Abschreckung oder die Vermeidung von sogenannten Pull-Effekten mögen eine gewisse politikstrategische Berechtigung haben. Als Ziele der Gesetzgebung fahren sie den Rechtsstaat selbst an die Wand. Die Probleme mit Teilen der aus dem Asylsys­ tem gefallenen Menschen sind bekannt. Es braucht zwischenstaatliche Regelungen auf menschen­ rechtlicher und rechtsstaatlicher Grundlage. Das Prinzip der Rechtsstaatlichkeit folgt der biblischen Forderung, nicht Richter in eigener Sache zu sein. Dahinter steht die vornehmste ethische Tugend. Das Privileg des Verzichts setzt anstelle mensch­ lich-affektiver Vergeltung auf die unhintergeh­ baren Grundlagen von Humanität. Die Perspektive der Humanität formuliert einen Anspruch an die eigene Person, der völlig unabhängig vom Ver­ halten oder von den Reaktionen der anderen be­ steht. Humanität lässt sich von Unmenschlichkeit beeindrucken, aber niemals infrage stellen. Der Umgang mit abgewiesenen Asylsuchenden ist der Stresstest für die Tragfähigkeit der Humanität im Recht. F C O M M E N T A I R E I N V I T É Aide d’urgence sous tension Par Frank Mathwig * – L’aide d’urgence de longue durée poursuit deux objectifs conflictuels: les pres­ tations doivent à la fois garantir une vie digne et être le plus dissuasives possible. L’Etat dit aux requérantes et requérants déboutés: «Nous te garantissons la vie, mais dans des conditions telles que tu n’en voudras jamais.» Ces derniers temps, nous avons été témoins de mesures d’«aide d’urgence» très contestées: déploiement de la force militaire sous couvert d’intervention humanitaire, menace de torture policière pour soustraire des informations à un kidnappeur, création de conditions de vie repous­ santes au possible pour dissuader les personnes déboutées. Ces scénarios convergent à trois niveaux. D’abord, l’Etat ou les organes étatiques réagissent à un cas d’urgence: violence inhu­ maine d’un Etat tiers à l’égard de sa propre popu­ lation, victime en danger de mort, précarité des personnes sorties du système de l’asile. Ensuite, la prestation se heurte directement ou indirecte­ ment à la loi en vigueur ou à une pratique de l’Etat de droit établie. Enfin, l’«aide» octroyée dans l’urgence ne fait que recréer une situation d’ur­ gence. Pouvoir et impuissance de l’Etat de droit Du point de vue éthique, ce sont des pesées d’in­ térêt. Pour beaucoup de personnes déboutées, il n’y a pas d’hésitation, un retour dans le pays d’ori­ gine étant pire encore que le régime d’urgence en Suisse. Elles n’ont rien à perdre et paradoxalement, c’est ce qui fait leur force: «Où qu’on aille, ce sera mieux que de mourir.» Le législateur suisse est devant une situation complexe; il ne peut que se maintenir sur la ligne imposée par la Constitution, les droits humains et les traités internationaux. Les mesures dissuasives de l’Etat sont très fragili­ sées par leurs contradictions internes. L’Etat est impuissant, non pas face aux personnes déboutées récalcitrantes, mais face à ses propres principes d’Etat de droit. Le pouvoir de l’Etat de droit consiste dans l’au­ tolimitation de ses propres compétences. Dans les cas extrêmes, il exige ainsi de lui-même et des citoyennes et citoyens de douloureux efforts de résistance. Le seul moyen d’éviter que les per­ sonnes qui outrepassent les limites que l’Etat se fixe n’imposent leur norme, consiste à se confor­ mer strictement aux principes constitutionnels. Ce n’est pas un hasard si l’éviction sans scrupule des membres indésirables d’une société constitue depuis toujours le monstrueux privilège des dic­ tatures. La stratégie politique peut à la rigueur justifier la dissuasion ou la lutte contre les soi-­ disant effets d’attraction. Cependant, si ces mesures deviennent un but en soi de la loi, l’Etat de droit va dans le mur. Les problèmes liés à certaines personnes sor­ ties du système de l’asile sont connus. Ils ne peuvent se régler qu’au niveau international en se fondant sur les droits humains et l’Etat de droit. Le principe d’Etat de droit est conforme au pré­ cepte biblique selon lequel il est impossible d’être à la fois juge et partie, et derrière lequel on trouve la plus noble des vertus éthiques. Le privilège du renoncement repose non plus sur un principe de rétribution affective et terrestre, mais sur un prin­ cipe inaltérable d’humanité. De ce principe dé­ coule une exigence individuelle absolument in­ dépendante du comportement ou des réactions des autres. L’humanité se laisse intimider par l’inhumanité, mais ne se laisse jamais remettre en question. La manière de traiter les personnes dé­ boutées constitue un véritable test de résistance de l’aptitude du droit à protéger l’humanité. * Frank Mathwig est chargé des questions théologiques et éthiques auprès de l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS) et professeur titulaire d’éthique à la Faculté de théologie de l’Université de Berne

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