ENSEMBLE Nr. / N° 57 - April / Avril 2021

18 Doss i er —– ENSEMBLE 2021 /57 femme, en disant que pendant des siècles, ce furent les hommes qui étaient traités ainsi, ces derniers écarquillent les yeux et m’envoient des mails pour me dire qu’ils ont compris depuis long­ temps et que je n’ai pas besoin d’insister: ce genre de réaction me semble être révélatrice du contraire. Quelles sont les tâches pastorales pour lesquelles être une femme est un atout? Anita Masshardt: Pour moi, c’est dans l’accom­ pagnement, qui met en jeu le féminin, le mater­ nel. Consoler, relever, redonner courage, c’est ce que font les mères avec leurs enfants. Etre une femme m’a aidée à accompagner des situations difficiles liées à la maternité et à la naissance. On m’a souvent dit: heureusement que vous êtes une femme, avec vous je peux parler autrement de mon état et de mes besoins, vous pouvez mieux vous mettre à ma place. Un homme en est peut- être tout aussi capable que moi, mais je l’ai vécu ainsi. Sophie Kauz: Pour moi aussi, c’est l’accompa­ gnement. Par exemple, l’aumônerie en EMS est principalement pour des femmes; elles sont beau­ coup plus nombreuses que les hommes, et au culte aussi, elles se retrouvent souvent entre elles. Je leur raconte des histoires de femmes de l’ancien testament et je mets leur point de vue en avant. Souvent, après elles me disent: pour une fois qu’on parle enfin aussi de moi! C’est le plus beau com­ pliment qu’on puisse me faire. Je vois aussi mon poste de vice-présidente du Synode comme une opportunité de poser des priorités et de faire valoir le point de vue des femmes. Comment la théologie féministe imprègne-t-elle votre travail? Anita Masshardt: Je voulais mettre des mots sur le vécu des femmes d’autrefois et d’aujourd’hui. Donc, par exemple, au lieu de ra­ conter la parabole du fils prodigue, je prenais celle de la drachme per­ due que la femme cherche partout dans la maison; ou, pour évoquer Dieu, je choisissais de préférence celle de la pâte qui lève après avoir été pétrie par une femme. J’aimais bien aussi parler des figures de femmes dans la Bible. D’ailleurs, beaucoup ne savent toujours pas qu’il y a autant d’histoire de femmes dans la Bible. Bien sûr, je veillais à commenter aussi d’autres textes. Sophie Kauz: J’ai consacré ma thèse aux espaces réservés aux femmes et chaque femme de la Quels étaient vos projets en entrant dans vos mi- nistères respectifs? Lesquels avez-vous pu réaliser? Anita Masshardt: Saint-Paul m’intéressait parce que je pensais que ma théologie féministe se heurterait à moins de résistance en ville qu’à la campagne et parce que cette paroisse avait un passé marqué par un fort engagement théologico- politique, et que je partais donc du principe qu’elle serait ouverte aux préoccupations des femmes. Ce fut ainsi. J’ai reçu beaucoup de soutien et de bien­ veillance. Seul mon langage féministe a suscité de la résistance, mais la paroisse a fini par s’y habituer. Je ne m’adressais à Dieu qu’en tant que Mère ou au féminin, et pour le Saint-Esprit, je par­ lais du Ruach, la force du souffle. Avec le temps, je n’ai plus vraiment eu besoin d’aller aussi loin, j’ai repris un mélange de formes féminines et mas­ culines. Le contenu et la posture sont aussi impor­ tants que les mots. Sophie Kauz: Pour moi, bien sûr, ce fut plus simple. Ma collègue utilisait le langage féministe déjà depuis longtemps. Bien sûr, certains ont dit: ah, encore une qui parle ainsi! Je n’ai jamais été confrontée à l’impossibilité d’agir au seul motif que je suis une femme. Du moins, on ne me l’a jamais présenté ainsi. Mais quand je parle des femmes de la Bible ou que je ne m’adresse qu’aux femmes lors de la Journée internationale de la «Le point de vue masculin continue d’être perçu comme le point de vue normal.» Anita Masshardt © zVg Anita Masshard

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