13 ENSEMBLE 2022 /68 —– Doss i er Dans le canton de Berne, neuf offices ecclésiaux de consultation conjugale et familiale apportent un soutien aux personnes seules, aux couples et aux familles qui traversent des problèmes relationnels et familiaux. www.berner-eheberatung.ch Pour quel type de situations vient-on vous consulter? Les motifs de conflit ont-ils évolué ces dernières années? Les domaines problématiques relationnels classiques sont restés les mêmes – équilibre entre rapprochement et éloignement, besoins différents, «langage du cœur» et saine culture du conflit, conscience de soi et empathie, etc. De ce que j’observe, le nouveau défi, ce sont les fameux réseaux sociaux. Presque aucun couple n’est épargné par les conflits liés aux écrans: de manière générale, les gens sous-évaluent le caractère addictif des réseaux, en font une consommation abusive – toujours au détriment du temps en couple ou en famille – et certains utilisent même leur téléphone pour se surveiller mutuellement. Dans l’éducation aussi, il existe un risque élevé de conflits, aussi bien entre parents qu’entre parents et enfants. Les discussions sur l’extinction des écrans et sur l’utilisation des outils dégénèrent très souvent. Par ailleurs, j’ai l’impression que la pression sociale à la performance a augmenté, ce qui nous épuise et complique nos relations amoureuses. Cette pression est ressentie dans le monde du travail, mais également dans tous les autres domaines de l’existence. Sans compter les exigences très élevées que l’on s’impose à soi-même: il faut en même temps être parent, se former tout au long de sa vie, travailler à un pourcentage élevé (et performer), avoir des activités de loisir… Les enfants aussi sont de plus en plus exposés à une telle pression; derrière les stimulations bien intentionnées se cachent des sources de stress. Les psychologues et les psychiatres n’arrivent pas à suivre la demande, en particulier celle des jeunes. Cela a-t-il des répercussions pour votre office de consultation? Non, pas directement, car il existe des espaces d’écoute spécifiques pour les jeunes. Nous travaillons plutôt avec les parents dont les enfants traversent des difficultés. Mais la question m’interpelle surtout à un autre niveau: que se passe-t-il dans notre société pour que les enfants et les adolescentes et adolescents aient de plus en plus besoin de thérapie? Qu’est-ce qui ne tourne pas rond? En la matière, le Covid a eu un effet loupe et a clairement montré quels sont les maillons faibles des différents systèmes, où est l’essentiel et ce dont les gens ont besoin. Visiblement, lorsque les contacts sociaux sont entravés et que les relations «en vrai» deviennent impossibles, les conséquences sont nettement plus importantes que ne l’avaient imaginé de nombreux spécialistes. Comment appréhender de manière constructive les tensions relationnelles? Sur ce point, j’aimerais commencer par une remarque d’ordre général: il n’est ni possible ni nécessaire d’éviter les tensions relationnelles; leur apparition n’est pas un mauvais signe, elle indique simplement un dysfonctionnement, ce qui nous pousse à y prêter attention et à nous en préoccuper. C’est le seul moyen de grandir. Seules les crises nous font grandir. Certes, le plus souvent, les tensions s’accompagnent d’un sentiment d’inconfort, et il est donc utile de se les avouer puis d’en faire quelque chose. Il est important de déceler le véritable déclencheur: déception, craintes, attentes inexprimées? Un dialogue en profondeur permet de comprendre ses émotions et son attitude, mais aussi celles de son ou de sa partenaire. Parler ensemble des émotions désagréables, vouloir se comprendre mutuellement, c’est la base d’un cheminement constructif. Avez-vous des recommandations pour prendre soin de soi et de son environnement, également en perspective de nouvelles crises? Ce qui précède donne déjà quelques pistes. Nous savons que la menace peut déclencher la fuite, la lutte ou la pétrification et que les gens réagissent différemment à une même situation. La troisième réaction est particulièrement inconfortable et nuisible sur la durée. Si la peur et l’isolement social s’y ajoutent, on risque même de tomber véritablement malade. On pourrait donc dire que prendre soin de soi, c’est connaître ses propres ressources et les renforcer, apprendre à se réjouir des petites choses, à être reconnaissant, se faire du bien, veiller à sa nourriture non seulement physique, mais aussi intellectuelle et spirituelle, se relier aux autres et entretenir ses relations, s’aimer soi-même et aimer les autres. Finalement, tout ce qui nous sort de la crainte et de l’impuissance, même temporairement, nous rend plus forts. Et de cette façon, la confiance en la possibilité de surmonter les prochaines crises grandit. * Collaboratrice Couple, partenariat, famille
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