21 ENSEMBLE 2023/71 —– Dossier F AIDE AUX VICTIMES Donner une voix à celles qui sont touchées Le vécu des femmes victimes de violence est très hétérogène. Dans un entretien avec la conseillère Anna Tanner, nous nous efforçons de tenir compte de cette diversité. Par Angela Wagner Si différents leurs destins soient-ils, les personnes concernées ont souvent une chose en commun: «Les victimes de violence genrée sont souvent dépendantes émotionnellement et financièrement des personnes qui recourent à la violence contre elles. Cela les rend particulièrement vulnérables», explique Anna Tanner. Lorsque leur santé physique, psychique et sociale est menacée à cause d’une expérience de violence, les femmes trouvent une protection au sein d’institutions de soutien. Dans son travail à la Maison des femmes de Berne, Mme Tanner côtoie quotidiennement des femmes qui subissent une forme ou une autre de violence domestique, ce qui conduit souvent à un éloignement ou un départ définitif de leur foyer. Difficulté d’aller chercher de l’aide «Pour se libérer de ce genre de situation, il faut souvent couper radicalement les ponts avec une personne de confiance, avec qui on a parfois vécu durant des années. C’est un énorme pas à franchir», selon Mme Tanner. Certaines craignent d’être critiquées, exclues ou d’être vues comme faibles. D’autres sont marquées par leurs valeurs familiales ou religieuses, qui défendent de quitter la personne auteure de violence. Si des enfants sont en jeu, la situation est encore plus difficile. De plus, il arrive qu’on exècre les actes d’une personne, mais que l’on éprouve toujours dans le même temps des sentiments positifs à son égard. Un départ est souvent lié à de grandes incertitudes et les personnes concernées se posent des questions: Où vais-je habiter? Vais-je pouvoir travailler? Puis-je rester en Suisse? Que se passera-t-il, s’il me trouve? Renforcer la confiance en soi Pour Anna Tanner, une chose est claire: «Je prends parti pour la femme qui recherche de l’aide, et je ne remets pas en question ce qui a conduit à cette situation.» Des déclarations du type «tu n’aurais pas dû le provoquer» n’aident personne. Afin que les victimes de violence domestique puissent retrouver leur confiance en elles-mêmes, la personne doit absolument être prise au sérieux. «Je constate souvent que les personnes concernées sont impuissantes et demandent de l’aide. Ma tâche est cependant de les encourager et de les soutenir jusqu’à ce qu’elles puissent s’en sortir par elles-mêmes», estime Mme Tanner. Ainsi, on soutient leur capacité d’action, et elles peuvent acquérir une nouvelle confiance en elles-mêmes sur la base d’expériences positives. Davantage d’égalité «Nous n’avons pas encore atteint l’égalité entre les sexes», constate Anna Tanner, qui voit dans la perpétuation du déséquilibre des forces de fréquents motifs de violence. La violence est souvent liée à des facteurs de stress comme la pauvreté, le racisme ou les discriminations. «Notre but en tant que société doit être d’atteindre l’égalité, nous pourrions ainsi résoudre beaucoup de problèmes», affirme Anna Tanner. Mais il y a encore un long chemin à parcourir. Il y a de nombreuses victimes de violences qui ne sont souvent pas considérées en tant que telles. Pour Anna Tanner, la sensibilisation est donc une grande préoccupation. «Nous devons être conscients, en tant que société, de ce qu’est la violence et où l’on peut obtenir de l’aide; en tant que victimes, mais aussi en tant qu’auteurs de violences.» Le travail de prévention doit être appliqué de manière précoce: «Les enfants devraient déjà apprendre ce que sont les limites intimes, comment on vit une relation saine et comment on résout des conflits.» Lorsque l’on soupçonne qu’une personne de notre entourage pourrait être victime de violence, on devrait impérativement l’aborder, d’une manière retenue et empathique, conseille Anna Tanner. «C’est seulement ainsi que nous pouvons découvrir des abus et avancer en tant que société.» © Aleksandra Zdravković Anna Tanner
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