14 Dossier —– ENSEMBLE 2024/75 «Vivant-e jusqu’au dernier souffle» Membre de l’équipe mobile en soins palliatifs dans la région du Jura bernois, Sonia Flotron dispose d’une longue expérience en la matière. Cette infirmière, qui vient de prendre sa retraite, s’est battue pour le développement des soins palliatifs en Suisse. Entretien. Par Nathalie Ogi En quoi a consisté votre travail? J’ai longtemps travaillé dans les soins à domicile et dans les soins palliatifs à domicile avant de devenir membre de l’antenne de l’équipe mobile en soins palliatifs (EMSP BEJUNE) dans le Jura bernois. J’ai contribué à la réflexion sur l’organisation de cette équipe dans la région BEJUNE (Berne, Jura, Neuchâtel). Nous intervenons pour conseiller les professionnels de la santé afin d’améliorer la situation de patient-e-s à domicile, en EMS ou à l’hôpital. Quelles sont les difficultés rencontrées dans les soins palliatifs? Du côté des patient-e-s, les principales difficultés concernent la gestion des douleurs et des problèmes respiratoires. Un autre défi réside dans l’estimation des limites du maintien à domicile. Actuellement, le manque de personnel diplômé, que ce soit en EMS ou à l’hôpital, représente aussi une grande difficulté. Les effectifs sont trop faibles, le personnel n’a plus le temps d’évaluer les situations à temps. Ils réagissent et nous appellent souvent trop tard. La méconnaissance des soins palliatifs dans le public est aussi un problème. Nous devons lutter pour faire comprendre aux patient-e-s que les soins palliatifs n’équivalent pas à une mort imminente. La plupart des gens sont sidérés lorsque l’on évoque la question de leur finitude. Pourquoi avoir choisi de travailler dans les soins palliatifs? Jeune infirmière dans les années 80, j’ai failli quitter le métier en raison de la manière dont on considérait la mort à l’hôpital. À cette époque, la fin de vie était généralement vue comme un échec. Souvent, on fuyait les malades incurables, car on ne savait que faire. C’était très démoralisant. Dans les soins palliatifs, on considère qu’une personne gravement malade et qui se meurt reste vivante jusqu’à son dernier souffle. Elle mérite que l’on s’occupe d’elle, que l’on améliore sa qualité de vie et que l’on ne prenne pas la fuite devant sa situation. C’est le côté humain de cette profession. On se sent inutile si l’on vise uniquement la guérison et l’acharnement thérapeutique, sans accepter la finitude de l’être humain. Qu’est-ce qui vous plaît le plus? Lorsque l’on travaille en première ligne, auprès des patients, un lien de confiance privilégié se crée. J’aime cet accompagnement de personne à personne. Bien sûr, il s’agit de rester professionnel et de conserver une juste proximité. Il n’empêche que l’on vit des moments incroyables et très profonds. Il arrive que l’on pleure et que l’on rit avec les patients et les proches. Et si en plus, on peut améliorer la qualité de vie du malade, on a tout gagné. Personnellement, j’estime davantage la vie depuis. Le carpe diem prend tout son sens. zVg. Sonia Flotron
RkJQdWJsaXNoZXIy Mjc3MzQ=