20 Fokus —– ENSEMBLE 2024/76 Danilo* et Alberto* ont 16 ans. Avec leurs familles déboutées, ils vivent à l’aide d’urgence, dans un centre de retour isolé à Bellelay. Un statut qui rend impossibles leurs rêves d’adolescents : entamer un apprentissage et vivre dans la dignité. Par Nathalie Ogi Danilo aimerait devenir dessinateur en bâtiment, tandis qu’Alberto rêve d’apprendre le métier d’électronicien-multimédia. Pour l’heure, les deux adolescents fréquentent l’année de préparation professionnelle à Moutier. Mais ils n’ont pas le droit de commencer un apprentissage. Une situation récemment dénoncée dans un rapport de la Commission fédérale des migrations (CFM) qui épingle la Suisse sur les conditions de vie des enfants et des jeunes à l’aide d’urgence. Il y est question de la grande précarité et de la charge mentale importante à laquelle sont exposés ces jeunes, dont le développement est même parfois menacé. Un avis de droit rédigé dans le cadre de cette étude parvient lui aussi à des conclusions claires : le régime de l’aide d’urgence viole la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l’enfant et les dispositions constitutionnelles visant à protéger les enfants et les jeunes. En Suisse, ce sont quelque 700 enfants et adolescents qui vivent dans des structures d’aide d’urgence. La CFM demande d’améliorer leur accès à l’école et à la formation professionnelle. Le centre de retour qui héberge Danilo et Alberto, sur l’ancien site de l’hôpital de Bellelay, est éloigné de tout. « Il n’y aucune activité pour nous », relève AIDE D’URGENCE Une impasse pour les jeunes Danilo, tandis que son camarade déplore pour sa part l’absence de transports publics après 18h qui l’empêche de rentrer de son entraînement de foot. Un no man’s land « En tout cinq familles, dont 13 enfants vivent actuellement dans ce no man’s land», explique Sylviane Zulauf-Catalfamo, présidente de la commission migration de l’arrondissement francophone des Églises réformées Berne-Jura-Soleure et membre de l’association biennoise « Alle Menschen – Tous les êtres humains » qui se bat pour la régularisation des personnes requérantes déboutées. « Ce centre est une impasse. Souvent les familles ne peuvent pas rentrer, faute de papiers d’identité ou parce que leur pays n’accepte pas les retours forcés. On les parque là, avec 10 francs par jour et par adulte pour payer la nourriture, le téléphone, les loisirs et les transports », dénonce encore Sylviane Zulauf. Danilo est issu d’une communauté rom. Née en Serbie et apatride, sa mère a vu sa demande d’asile rejetée il y a deux ans. Alberto est né au Congo, puis a vécu en Angola. Un pays que sa mère a dû quitter pour des raisons de sécurité : elle travaillait pour un parti de l’opposition au pouvoir. Elle a été déboutée il y a un an. L’idéal serait que leurs familles puissent obtenir le permis B humanitaire. « Mais le canton de Berne est très restrictif en la matière », relève la Biennoise. « Il faudrait revoir la législation sur l’asile et la loi fédérale sur les étrangers et réexaminer au cas par cas la situation de ces familles, en particulier celle des jeunes qui font un immense effort pour s’intégrer. » En attendant, les deux adolescents rongent leur frein. Courageux, Alberto garde la foi. Ses résultats scolaires sont bons et une entreprise de la région serait prête à l’embaucher en tant qu’apprenti. Le patron a apprécié sa motivation et son engagement au cours d’un stage. Est-ce qu’il voudrait pouvoir rester dans notre pays ? « Bien sûr, personne ne veut quitter la Suisse », relève Alberto. alle-menschen.ch Compte postal 15-452576-2 IBAN: CH13 0900 0000 1545 2576 2, Alle Menschen / Tous les humains c/o Philipp Blum, Fabrikgässli 1, 2502 Biel/Bienne * Prénoms d’emprunt À l’aide d’urgence, Danilo et Alberto n’ont pas le droit de faire un apprentissage. Als Nothilfebezüger dürfen Danilo und Alberto keine Lehre machen. © Nathalie Ogi
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