

17
ENSEMBLE 2017/20 —– Dossier
avec un homme qui, jusque-là, a toujours pu se
débrouiller et pour qui l’idée de ne plus pouvoir
se déplacer seul est intolérable. Lors d’une de ses
visites, l’aumônier fait la connaissance de Madame
Moser. Il l’encourage à demander au pasteur de sa
paroisse de la soutenir dans cette période difficile.
Pour elle, tout semble trop lourd en ce moment.
Elle accepte donc avec joie que l’aumônier fasse
la demande à sa place.
Nous avons là un bel exemple d’accompagne-
ment spirituel interprofessionnel: le soignant
s’occupe aussi des besoins existentiels du patient
et connaît par ailleurs le fonctionnement de l’au-
mônerie. Pour que cette collaboration fonctionne,
il faut que l’aumônerie soit bien intégrée au sein
de l’équipe soignante de l’hôpital.
Aumônerie en EMS
Avant même la fin de son hospitalisation, il de-
vient évident que Monsieur Moser ne peut plus
retourner vivre dans sa maison. Alors qu’on lui
cherche une place dans une institution adaptée,
le vieil homme a beaucoup de difficulté à accepter
cette perspective. Il n’arrive pas à s’imaginer une
vie sans son jardin, ses abeilles et la vie à deux
avec sa femme. Avec son accord, l’aumônier de
l’hôpital prend contact avec son homologue de
l’EMS et l’informe de cette situation. Les premières
semaines au home sont éprouvantes pour Mon-
sieur Moser. Sa maison lui manque. Il ne sait trop
que faire de son temps et se sent de plus en plus
démoralisé. Il confie à l’aumônière de l’institution
qu’il songe à s’adresser à une organisation d’aide
au suicide pour mettre fin à ses jours. Tous deux
discutent longuement et Monsieur Moser se sent
momentanément soulagé. Mais le sentiment de
perte de sens reste présent et lourd à porter. L’au-
mônière s’adresse alors à la thérapeute d’activa-
tion. En faisant quelques recherches, les deux
femmes tombent sur un retraité du voisinage qui
a des ruches et accepterait volontiers que Mon-
sieur Moser vienne s’en occuper avec lui. Celui-ci
hésite: il redoute de devoir peut-être à nouveau
renoncer à ces abeilles un jour. Avec l’aumônière,
il parvient à thématiser cette peur de tout perdre,
un jour, dans la mort.
La spiritualité fait aussi partie des préoccupa-
tions des professionnels travaillant dans les insti-
tutions pour personnes âgées. Grâce à la collabo-
ration illustrée dans notre exemple, l’aumônière
et la thérapeute d’activation ont su trouver en-
semble une solution originale pour aider ce pen-
sionnaire.
Dans les autres institutions
En plus des hôpitaux et des EMS, l’aumônerie spé-
cialisée travaille aussi dans toutes les institutions
pénitentiaires du canton de Berne, au sein du
«Care Team» (cellule psychologique d’urgence)
ainsi que dans les deux centres fédéraux pour re-
quérants d’asile. «Peut-être que le secret d’une vie
de qualité réside dans le fait d’être bien accompa-
gné dans tout questionnement, et non dans celui
de trouver des réponses à toutes les questions»: la
formule de l’Américaine Rachel Naomi Remen
1
résume à merveille le travail de l’aumônerie. Les
aumônières et aumôniers se tiennent aux côtés
des personnes dans leurs souffrances spirituelles
et les aident à trouver ce qui peut leur donner de
la force.
Des défis et des risques
«Dieu était là avant le missionnaire» – cette cita-
tion du théologien brésilien Leonardo Boff corres-
pond à la nouvelle place de la spiritualité dans les
systèmes de santé. Le rôle de l’aumônerie n’est pas
d’amener la spiritualité dans les institutions. Elle
s’introduit dans des lieux où la spiritualité est déjà
bien présente et vivante: chez les professionnels
d’une part, et bien sûr chez les personnes prises
en charge. Elle doit avoir une certaine connais-
sance des différents langages spirituels et s’expri-
mer de manière à être comprise. Bien sûr, elle se
heurte aussi aux limites du langage – par exemple
dans les cas de démence ou face à la mort, mais
elle peut accompagner même lorsque la parole a
disparu. Malgré la «petite révolution» dans les sys-
tèmes sociaux et de santé, les aumônières et au-
môniers sont conscients que cette place accordée
à la spiritualité, à l’intangible, l’incontrôlable et
au sacré n’est pas à l’abri des aléas. Dans la jungle
des mesures d’austérité, des intérêts économiques
et de l’efficacité à tout prix, les aumôniers doivent
continuer à se battre pour que cette dimension
reste reconnue et prise en compte.
1
Médecin et auteure, spécialisée en médecine intégrative
et dans les soins centrés sur la personne
Annemarie Rein-
hard est l’une
des quelque
80 aumôniers.
Annemarie Rein-
hard ist eine von
rund 80 Spezial-
seelsorgerinnen
und Spezialseel-
sorgern.
©Pascal Mösli