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ENSEMBLE 2016/9 —– Dossier
ractérisent. Ainsi, la spiritualité réformée est une
spiritualité du recueillement, dont l’élément cen-
tral est la prière personnelle comme expression
de la communion avec Dieu. C’est une spiritualité
de la concentration – sobre, économe, dense, ré-
duite à l’essentiel. Elle peut également être com-
prise comme une spiritualité du dépouillement,
de l’absence d’images, de la symbolique austère.
Si elle est ainsi, c’est parce que les réformés
mettent la présence spirituelle de Dieu au premier
plan. Tous ces éléments concourent à faire de la
spiritualité réformée une spiritualité de l’attente:
une spiritualité de l’espace vide qui renvoie uni-
quement à la présence intangible de Dieu, à la-
quelle on ne peut donner une forme visible.
La primauté de la Bible chez les protestants a
déjà été évoquée. Elle s’explique par le fait que la
spiritualité réformée est essentiellement une spi-
ritualité de la parole. Cela ne veut pas dire que les
réformés parlent beaucoup. Pour eux, la foi,
l’amour et l’espérance en Dieu trouvent leur fon-
dement dans la lecture et l’interprétation de la
Bible. Le lieu central de cette interprétation est le
culte, et c’est pourquoi la spiritualité réformée est
une spiritualité de la communauté. En elle se ma-
nifeste la vocation de l’être humain à vivre en so-
ciété, à s’allier. Il n’y a pas de contradiction avec
le fait que la spiritualité réformée peut aussi être
comprise comme une spiritualité de l’individu.
S’appuyant sur la conscience que la foi chrétienne
n’existe qu’en tant que foi intégrée, assumée et
vécue personnellement, cette spiritualité offre de
l’espace à de nombreuses formes de piété indivi-
duelle.
Chanter – penser – agir
Il a déjà été souligné que la spiritualité nourrie
par le chant était un élément constitutif de l’iden-
tité réformée. Mais parallèlement, les réformés ont
sans cesse veillé à accorder tout autant d’impor-
tance à une spiritualité réfléchie, car l’individu
chrétien cherche toujours à comprendre ce à quoi
il croit. Cette dimension rationnelle représente
aussi un aspect fondamental d’une spiritualité
«globale»! Tout comme une spiritualité agissante,
qui donne une forme visible à l’amour de Dieu et
des humains. La foi réformée, on le sait, a toujours
aspiré à la construction du monde, dans la convic-
tion que le Christ est le Seigneur de toute la terre.
Pour finir voici encore deux aspects assez ra-
rement évoqués, mais sans lesquels la spiritualité
réformée serait impensable. Le premier est que la
spiritualité réformée a aussi toujours été une spi-
ritualité de la glorification de Dieu. C’est surtout
Calvin qui a mis en exergue la place centrale que
la gloire de Dieu occupe dans la vie humaine, sou-
lignant ainsi qu’avoir confiance en Dieu signifie
détourner son regard de soi-même pour le porter
vers un Autre. Un point de vue critique, mais libé-
rateur dans une société individualiste où la spiri-
tualité aussi est volontiers vécue de manière
égocentrique. Quant au second aspect: la spiritua-
lité réformée, avec tous les éléments qui la consti-
tuent, est toujours une spiritualité en chemin,
vécue dans l’attente de l’avenir de Dieu dont nous
savons que toutes les célébrations humaines ne
peuvent donner qu’une vague idée. Aussi, ce que
la spiritualité réformée exprime avant tout, c’est
un immense espoir en la souveraineté universelle
de Dieu.
Répétons-le: les réformés peuvent être fiers à
bien des égards de leur spiritualité. Ils ont néan-
moins toujours besoin des compléments et enri-
chissements issus d’autres traditions. Mais en sa-
chant qu’ils ont eux aussi beaucoup à apporter
dans le chœur polyphonique des Eglises chré-
tiennes.
©Michael Stahl