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ENSEMBLE 2017/15 —– Dossier
La non-pérennisation du travail fait partie
des grandes préoccupations du Centre social
protestant Berne-Jura. Pour son directeur
Pierre Ammann, l’employé doit aujourd’hui
faire face à des changements permanents tout
en essayant de donner un sens à ses activités.
Par Nicolas Meyer
Depuis la fin des années nonante, le marché du
travail a subi de nombreuses mutations dues prin-
cipalement au progrès technologique et à la glo-
balisation. De la calculatrice à l’ordinateur ul-
tra-performant, les salariés ont dû intégrer de
nouveaux modes de fonctionnement nécessitant
des outils en constante évolution. De plus, la dé-
localisation à l’étranger de secteurs entiers de
production a fait disparaître de nombreux emplois
du secteur secondaire. «Et cela risque encore d’évo-
luer très fortement dans les années à venir», ajoute
Pierre Ammann. Pour exemple, la caissière de su-
permarché qui fait encore aujourd’hui partie de
notre quotidien pourrait tout prochainement dis-
paraître au bénéfice de systèmes d’encaissement
automatiques.
Changements permanents
«Aujourd’hui, l’on n’apprend plus forcément un
métier, mais l’on acquiert une foule de compé-
tences tout au long de sa vie», souligne Pierre
Ammann. Pour lui, l’employé est de plus en plus
soumis à des changements qui l’obligent à redé-
finir son propre travail en permanence. Pour y
parvenir, il doit souvent faire preuve d’initiative
personnelle et ne pas être en manque d’imagina-
tion pour assumer un cahier des charges sujet à
interprétation.
Face à cette difficulté, il arrive que des per-
sonnes perdent pied. Le fait de ne pas savoir de
quoi demain sera fait engendre nécessairement
une certaine anxiété. Pour Pierre Ammann, il est
important de ne pas prendre ces changements de
manière négative. Il faut avancer avec une
confiance en l’avenir et se dire que l’on exerce ac-
tuellement un métier qui ne sera peut-être plus le
même dans dix ans. Il ajoute qu’il est indispen-
sable de soutenir efficacement les personnes qui
se trouvent en situation professionnelle délicate,
ce que s’efforce de faire le CSP Berne-Jura au-
jourd’hui. Pour lui, il faut également cesser de
vouloir rendre les gens les plus vulnérables res-
ponsables de leur situation et leur tendre la main.
Garder une vocation
Avec cette évolution, la notion même de profes-
sion se trouve remise en question. En effet, le tra-
vail reste une valeur essentielle dans notre socié-
té occidentale. Cette tradition trouve ses origines
dans la Réforme, qui a eu le mérite d’avoir gran-
dement valorisé le travail en faisant de l’activité
professionnelle un lieu privilégié d’expression
personnelle de la foi. «Mais face à l’instabilité pro-
fessionnelle, il peut sembler difficile de pouvoir
continuer à habiter sa fonction», ajoute Pierre
Ammann. «De nombreuses personnes se voient
provisoirement ou durablement privées d’un tra-
vail qu’elles appréhendaient comme leur voca-
tion». Lorsqu’il s’agit d’explorer de nouvelles pers-
pectives professionnelles, cette dimension s’avère
souvent primordiale. Le fait de pouvoir s’investir,
s’identifier et donner un sens à sa vie reste un sou-
ci majeur de la personne en panne de travail. Pour
Pierre Ammann, la question du travail va donc
bien au-delà de celle du revenu qu’il génère. Dans
ce contexte, «il importe surtout de veiller à ce que
chacun puisse se sentir utile à autrui et faire de
son engagement professionnel et/ou privé un
véritable sacerdoce», conclut Pierre Ammann.
M O N D E D U T R A V A I L
Apprendre à s’adapter
Pierre Ammann
dans les locaux
de Regenove.
Pierre Ammann,
Direktor des
«Centre social
protestant».
©Pierre Bohrer