20
Dossier —– ENSEMBLE 2015/1
de Nicolas Meyer
Pour mieux comprendre les aspects qui obligent
l’Etat à rémunérer les ecclésiastiques dans le can-
ton de Berne, il n’est pas inutile de remonter
jusqu’à la fin du XVIII
e
siècle. En effet, la question
de la cession des biens de l’Eglise à l’Etat se joue
dans un demi-siècle qui va de 1798 à 1848 et qui
est désigné comme époque de la Révolution suisse.
Une période dans laquelle le système social se
transforme radicalement et se termine par l’avè-
nement de l’Etat fédéral moderne.
Un tournant de l’Histoire
A la suite de la Révolution française, toute l’Europe
est en crise. En 1798, les troupes du général Napo-
léon Bonaparte envahissent la Suisse. Elles sont
assez bien acceptées des populations, pour les-
quelles cette conquête amène un espoir de concré-
tiser les nouvelles revendications propres à cette
époque. Berne et les cantons de Suisse centrale
opposent toutefois une résistance farouche. Face
à une supériorité numérique écrasante, les Suisses
sont obligés de capituler et subissent rançonne-
ments et contributions de guerre. En pillant la ville
de Berne, les Français récupèrent cinq millions de
livres qui serviront en partie au financement de
la campagne d’Egypte du général Bonaparte.
Ils imposent dès lors un nouveau régime cen-
tralisateur, à l’origine de la première Constitution
helvétique qui voit le jour le 28 mars 1798 à Paris.
Cette dernière supprime l’autonomie des cantons
et les relègue au rang de districts, ce qui ne
manque pas d’engendrer de nouveaux troubles
intérieurs et extérieurs. Face à cette situation, Na-
poléon Bonaparte entre en matière pour arriver
finalement à l’Acte de médiation de 1803 qui res-
taure l’autonomie des cantons.
Après plusieurs années d’instabilité politique
et surtout avec des caisses vides, l’Etat de Berne
se voit contraint de trouver des solutions. Il se
tourne tout naturellement vers les Eglises qui, no-
tamment via leur droit de patronat, détiennent de
nombreuses ressources destinées à assurer leur
subsistance. Chaque cure bénéficie de propriétés,
de dîmes, d’impôts de base et de capitaux. Desti-
nés à assumer l’entretien des églises, à assurer le
culte et à rémunérer les ecclésiastiques, ces biens
peuvent, selon les régions, représenter une somme
assez considérable.
L’Eglise, à l’origine d’un accord
Dès 1803, le Conseil des Eglises s’est donné pour
tâche de réformer le système d’Eglise. Ses ré-
flexions l’ont amené à définir un projet pour har-
moniser la rémunération des ministres. Une base
qui servira à élaborer le décret du 7 mai 1804, par
lequel les Eglises cèdent leurs biens en échange
de la rémunération des ecclésiastiques et à l’en-
tretien des bâtiments. En effet, comme le stipule
le premier point du «Dekret Besoldung und
Wahlen der Geistlichkeit» (Décret sur la rémuné-
ration et l’élection du clergé), «L’Etat reprend, selon
les souhaits du clergé, les relations et la gestion
de tous les biens et des revenus qui en découlent
en échange de la solde des ministres et de tous les
frais relatifs». Les pasteurs de l’époque bénéficient
de ce fait d’une somme annuelle de 275 000 livres,
LE TOURNANT
DU 7 MAI 1804
BIENS D’ÉGLISE
DAMALS,
AM 7. MAI 1804
KIRCHENGÜTER
La question de la cession des biens de
l’Eglise à l’Etat se joue au début
du XIX
e
siècle. Par un accord qui
fait encore foi aujourd’hui, l’Etat
s’engage en contrepartie à verser les
salaires des pasteurs. Retour sur
une époque où toute l’Europe est en
proie à des changements fondamentaux.