Ephésiens 2, 14-22

14 C’est lui, en effet, qui est notre paix: de ce qui était divisé, il a fait une unité. Dans sa chair, il a détruit le mur de séparation: la haine. 15 Il a aboli la loi et ses commandements avec leurs observances. Il a voulu ainsi, à partir du Juif et du païen, créer en lui un seul homme nouveau, en établissant la paix, 16 et les réconcilier avec Dieu tous les deux en un seul corps, au moyen de la croix; là, il a tué la haine.17 Il est venu annoncer la paix à vous qui étiez loin, et la paix à ceux qui étaient proches. 18 Et c’est grâce à lui que les uns et les autres, dans un seul Esprit, nous avons l’accès auprès du Père. 19 Ainsi, vous n’êtes plus des étrangers, ni des émigrés; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la famille de Dieu. 20 Vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes, et Jésus Christ lui-même comme pierre maîtresse. 21 C’est en lui que toute construction s’ajuste et s’élève pour former un temple saint dans le Seigneur. 22 C’est en lui que, vous aussi, vous êtes ensemble intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit. (Ephésiens 2, 14-22)

L'auteure de la méditation

L’auteure de la méditation
Elsa Tamez s’est fait un nom comme théologienne de la libération en Amérique latine.
Née le 17 septembre 1950 dans la Province mexicaine de Tamaulipas, elle a grandi avec ses frères et sœurs dans un quartier défavorisé de Monterrey, ville industrielle du Mexique. A 18 ans, elle a entrepris des études de théologie évangélique au Seminario Bíblica Latinoamericana à San José, Costa Rica. Elle a également fait divers séjours en Europe, à Berlin et notamment à Lausanne, où elle a vécu avec sa famille de 1986 à 1990 pour y achever son doctorat.
Elsa Tamez est une spécialiste de l’exégèse, sensible à la langue biblique et qui sait aussi aborder les questions de société en lien avec les textes bibliques.
Elle est aujourd’hui doyenne de l’université biblique latino-américaine (UBL) et est aussi la première femme à diriger une université théologique en Amérique latine. L’UBL est l’une des rares universités d’Amérique latine, qui délivre un diplôme en théologie de niveau universitaire. Elle attire à ce titre des étudiantes et étudiants de tout le continent. Depuis les années 70, elle est devenue un centre important de la théologie oecuménique de la libération. Un succès dont Elsa Tamez a été largement l’artisan.
Depuis des années, Elsa Tamez représente la théologie latino-américaine dans les instances oecuméniques internationales, par exemple au sein du Conseil oecuménique des Eglises et de l’Association des théologiennes et théologiens du tiers monde (Eatwot). Dans ses conférences en Amérique latine ou au sein de l’oecuménisme international, elle aborde des questions politiques, comme la mondialisation, les droits de la femmes, la féminisation de la pauvreté et comment ces phénomènes peuvent être interprétés à la lumière de la Bible.
Elle s’interroge avec les prophètes sur la manière de parler de la foi en des „temps de sécheresse messianique“. Sur la question de la reconnaissance des religions indigènes par le christianisme, elle a cherché des voies de compréhension mutuelles en mettant en évidence des parallèles théologiques ayant trait à la domination et à la libération dans les religions espagnole et aztèques.
En 1994, Elsa Tamez a mis sur pied la campagne „un million de femmes“ destiné à rendre le financement de l’université ide théologie latino-américiane indépendant de donateurs étrangers.

 

Méditation biblique d'Elsa Tamez

5 femmes lisent (jeunes, adultes, seniors):

" L’odorat est l’un des cinq sens humains qui, comme les autres, fait participer l’esprit, le corps et le sentiment. Quand tu sens quelque chose, tu le connais et en même temps tu le ressens. D’une part, on distingue ce qu’on sent avec l’esprit et, d’autre part, lorsque l’odeur pénètre dans le corps par le nez, des sentiments de plaisir et de sérénité, ou de dégoût et de rejet se manifestent. Sentir peut porter à une action de fuite ou de recherche, ou simplement de gratitude à l’égard de la vie. Si tu sens quelque chose qui empeste, tu t’enfuis ou tu essaies de te débarrasser de ce qui sent mauvais; mais si c’est ta sœur qui sent mauvais, tu as envie de pleurer et de l’embrasser, et tu supportes la mauvaise odeur. Et si tu sens quelque chose qui te plaît jusqu’au fond de l’âme, tu avances vers cette odeur et tous tes sens s’éveillent: tu veux voir ce que tu sens, le savourer, tu te laisses guider par les bruits jusqu’à l’odeur et tu as hâte d’arriver à sa source. En d’autres termes, nous sentons que nous vivons et nous en rendons grâce à Dieu.
Cela se passe avec des choses quotidiennes telles qu’un pain savoureux ou un parfum. Mais quand nous avons le sentiment de sentir Dieu partout, c’est quelque chose de beaucoup plus profond et mystérieux: c’est faire l’expérience de la transcendance dans tout le cosmos, du plus minuscule au plus imposant. Dans tous les corps terrestres, et aussi dans les corps célestes comme les étoiles, et jusque dans l’Eglise du Christ qui est son corps terrestre et céleste."

Quelques notes de flûte

" Faire l’expérience de la transcendance dans notre monde, c’est comme sentir Dieu partout, répandant une odeur très particulière. Il est vrai que Dieu peut sentir mauvais. En fait, notre monde actuel dégage souvent cette mauvaise odeur de Dieu: dans les guerres, les tortures, les viols, les abus commis sur des enfants, le chômage, les rivières polluées. Parce que, nous le savons, c’est là qu’habite le Dieu crucifié solidaire. Cette odeur désagréable signale qu’on n’a pas respecté la transcendance, ou la gloire divine reflétée dans les créatures de Dieu. Mais ce n’est pas l’odeur que nous recherchons.  Je veux imaginer la paix dans notre monde et dans notre maison comme la corolle d’une fleur qui répand une odeur de Dieu. Une odeur qui porte à discerner sa présence dans chaque chose créée, soit par Dieu soit par les humains. Ce serait comme la fin de toute violence des humains contre les humains, et des humains contre la nature. Car de même que je ne peux prendre l’odeur ou la saisir avec mes mains pour m’en emparer, de même je ne peux pas non plus dominer les personnes et les peuples: leur odeur de Dieu m’arrête. C’est une odeur de paix, de réconciliation, parce que je respecte l’odeur de Dieu dans mon prochain."

Quelques notes de flûte

L’épître aux Ephésiens suggère que tout le cosmos est la demeure de Dieu, comme un temple saint, une construction bien faite, assise sur de solides fondements. On l’appelle Eglise mais, étant donné qu’aujourd’hui ce terme est devenu étroit, je préfère l’appeler communauté cosmique où se manifeste la diversité des spiritualités. Dans cette communauté, tout est vécu “en Christ”, image profonde et constante dans l’épître aux Ephésiens. Formule qui signifie que tout respire Dieu et sent Dieu parce que nous sommes liés à cette atmosphère divine. Pour les chrétiens, Jésus Christ est le “Dieu avec nous”, le “visage humain de la transcendance”. Selon Ephésiens 2:20, le visage humain de Dieu est la pierre maîtresse de cette demeure habitée par Dieu. Cette pierre angulaire dans la construction de la communauté cosmique rappelle perpétuellement qu’il est notre paix, qu’il a établi la paix et qu’il l’annonce comme bonne nouvelle (2:14, 15, 17). Il a qualité pour le faire: il sait dans sa propre chair ce que sont la violence, la torture et la trahison parce qu’il a subi la crucifixion voulue par la paix romaine, une paix militaire qui croit qu’en donnant la mort on obtiendra la paix. Une paix militaire, sans justice ni réconciliation. Mais du “Dieu avec nous”, qui incarne la paix, émane une odeur de paix sans morts ni viols, sans domination ni exclusion. Une paix qui s’édifie non pas en repoussant les personnes qui escaladent les murs, mais en abattant les murs de la haine. Une paix qui ne se construit pas en dressant des murs pour se protéger contre les migrants ou pour empêcher les conflits: les murs ne font qu’attiser la haine, l’exclusion, la peur, l’assassinat, la cupidité.
Ephésiens 2:20 dit également que les ancêtres de cette communauté cosmique, c’est-à-dire les apôtres et les prophètes qui ont suivi l’odeur de Dieu, font aussi partie du fondement de la communauté universelle. Ces pionniers de la communauté nous rappellent notre vocation de créatures de Dieu: vivre simplement en tant qu’êtres humains liés les uns aux autres comme frères et sœurs, famille de Dieu incluant notre sœur la lune et notre frère le soleil. Les traces des ancêtres qui ont forgé la communauté éclairent notre chemin."

Deux flûtes jouent ensemble et improvisent quelques airs
J’imagine une paix vivante dans une communauté cosmique où il y a de la place pour toutes et tous, des nourrissons barbouillés de morve aux vieux qui ont besoin de langes. Et toute chose est respectée parce que toute chose sent Dieu.
Dans cette communauté cosmique, temple saint et demeure de Dieu, il n’y a pas d’armes, même sous forme de jouets; le cauchemar de la guerre et des agressions disparaît sous les décombres des murs de séparation. Il n’y a pas de violence, parce que la paix authentique apporte nourriture, travail et dignité. Il n’y a pas non plus de discrimination, parce qu’il n’y a pas de peuples qui sont loin ni de peuples qui sont proches (2:13). Il n’y pas d’élus ni de marginalisés. Tous les peuples vivent dans le sein de Dieu, dont le cœur bat pour la paix et la réconciliation. Ceux qui étaient loin ne se sont pas assimilés à ceux qui étaient proches, et ceux qui étaient proches n’ont pas conservé leurs privilèges: tous sont devenus une communauté cosmique nouvelle, bénie dans sa diversité de langues, de cultures et de manières de célébrer la gloire du Dieu Créateur.
Ainsi, j’imagine une paix sans assimilation ni exclusion, sans domination des uns sur les autres. L’odeur de Dieu qui émane de l’autre freine toute envie de domination ou d’agression. Dans cette nouvelle communauté humaine, on vit la diversité dans la paix, on cesse de s’ingénier à accumuler de l’argentaux dépens des pauvres, on ne songe plus à préférer le blanc et le blond au basané et au noir. Et plus personne n’a l’idée de distribuer des produits alimentaires aux voitures plutôt qu’aux êtres vivants, parce que la nouvelle communauté pluriculturelle est sensée, inspirée par la sagesse de Dieu.

Choeur et flûte improvisent quelques airs

Telle est la paix que j’imagine: je la vois dans l’épître aux Ephésiens comme une promesse que je veux croire réalisable. Elle me donne la force de ne pas craindre les forces occultes des autorités et pouvoirs (6:12) que nous ne voyons pas, mais dont nous sentons les coups – cette main invisible qui fait que les cours des monnaies nationales montent et descendent ou que le prix du pétrole augmente sans cesse et que soudain les aliments de base deviennent inabordables. Parce que Dieu, dit l’épître, a récapitulé tous les événements et les choses sur la terre et dans les cieux pour qu’ils se réunissent dans la divinité crucifiée (1:10) et ressuscitée par amour de l’humanité. Je suis portée par l’espoir que, comme le Crucifié a été ressuscité et assis bien au-dessus des pouvoirs occultes (1:20), nous avons été ressuscités nous aussi et assis à la même place (2:10). C’est pourquoi je crois que nous sommes tous, d’une manière ou d’une autre, “Dieu avec nous”, parce que nous sentons Dieu partout et que nous répandons l’odeur de Dieu.
Mais il est clair que quand j’ouvre les yeux et que je vois le monde qui nous entoure, je pense que ce que je viens de dire est seulement une prière, un cri lancé vers Dieu depuis l’Esprit de Dieu en moi, analogue au cri de la terre qui gémit dans les douleurs de l’enfantement (Rm 8:22)


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